Les Petits Cailloux (extrait),
court-métrage, 15 min, 2014.
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Née à Paris en 1983,
Chloé Mazlo est artiste
plasticienne et cinéaste
d’animation.
Elle vit et travaille à Paris.
Vous avez suivi des
études de graphisme, vous dessinez et réalisez des films d’animation, des
clips, des applications pour tablette et smartphone... Comment se définir
lorsque l’on porte toutes ces casquettes à la fois?
En fonction de la personne
qui vous pose la question ! Quand j’ai commencé à travailler, j’avais du
mal à me présenter car je ne voulais pas hiérarchiser mes activités. Puis j’ai
remarqué que « réalisatrice de film d’animation » était le métier qui
bénéficiait du meilleur capital sympathie. J’ai donc pris l’habitude de me
présenter ainsi.
À vrai dire, je me considère
plutôt comme une artiste pluridisciplinaire. Je ne souhaite pas m’installer
dans un médium, ou rester associée à un poste. Cette instabilité me maintient
en éveil et me permet de prendre des risques.
Quelle formation vous a
préparée à ces différents métiers ?
Après une prépa aux
Beaux-Arts de Rueil-Malmaison, j’ai étudié aux Arts Décoratifs de Strasbourg,
en option communication graphique.
Votre vocation artistique
s’est-elle d’emblée imposée à vous comme une évidence ? Vous a-t-on
encouragée dans cette voie ?
Étant donné mes origines
familiales, adopter une autre voie aurait été contre-nature! J’ai reçu un
héritage artistique et artisanal fort et revendiqué. Il était donc assez
logique que je m’oriente vers cette voie. Cela dit, contrairement à mes aïeux,
j’ai toutes les cartes en main pour travailler. Je vis dans un pays en paix, où
les femmes ont le droit de s’exprimer et je bénéficie de la bienveillance de ma
famille. Je garde en tête cette chance, et dans mon cœur, le souvenir de mes
ancêtres. Y penser me donne du courage pour avancer.
Histoires de famille, extrait de
la série, 2014.
Feutre et encre de Chine sur
papier, 30 x 40 cm.
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Quels sont les artistes
qui composent votre univers, votre « famille » artistique ?
Le terme famille est approprié, car je ne cherche pas de modèle,
plutôt des référents. Je me créé une très grande famille en perpétuelle
évolution. J’aime me retrouver dans un peu de chacun d’eux.
Pour l’esprit cynique et
sinueux, je me tourne vers Roland Topor, Otto Dix, Schiele, Bukowski…
Pour la nécessité de créer,
vers des artistes de l’art Brut comme Henry Darger et Marcel Storr ou encore
Gérard Garouste et Kiki Smith.
Pour maintenir en éveil ma
sensibilité graphique, je regarde le travail de Paul Cox, Enzo et Iela Mari, David
Shrigley…
Sportifs, extrait de la série,
2013.
Aquarelle sur papier, A5.
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Les Petits Cailloux (extrait),
court-métrage, 15 min, 2014.
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Concernant vos méthodes
de travail, suivez-vous des rituels ?
J’ai beaucoup de difficulté
à créer dans un espace bruyant. Il m’est impossible de dessiner en parlant, ou
à côté de gens qui parlent. J’ai besoin de recueillement. En revanche, la
musique est essentielle, porteuse d’inspiration.
Je m’impose des horaires de
travail réguliers dans mon atelier. Dans la mesure du possible, j’évite d’y
travailler le week-end.
Quels rapports
entretenez-vous avec les artistes de votre génération : préférez-vous
garder vos distances ou, au contraire, créer les conditions d’un échange?
Je partage un atelier avec trois amis rencontrés pendant mes études aux Arts Décoratifs, je n’ai donc pas choisi la distance ! Côtoyer d’autres artistes se fait de façon assez naturelle : nous partageons le même rythme de vie, les mêmes centres d’intérêt, nous gérons les mêmes problèmes administratifs et métaphysiques … Pourtant nous appartenons à une génération individualiste, nous ne cherchons pas la fédération. Nous avons souvent du mal à travailler les uns avec les autres, à réellement collaborer. Il faut donc créer l’opportunité. Avec l’artiste Bérengère Henin, nous nous sommes promis de travailler ensemble sur un projet par an. Cela tient depuis trois ans !
Je privilégie tout autant les échanges avec d’autres milieux, afin de ne pas m’enfermer dans une logique de pensée. Il est essentiel de se confronter aussi à des personnes qui ne vous comprennent pas ou n’attachent pas d’importance à "ma vie, mon œuvre".
Je partage un atelier avec trois amis rencontrés pendant mes études aux Arts Décoratifs, je n’ai donc pas choisi la distance ! Côtoyer d’autres artistes se fait de façon assez naturelle : nous partageons le même rythme de vie, les mêmes centres d’intérêt, nous gérons les mêmes problèmes administratifs et métaphysiques … Pourtant nous appartenons à une génération individualiste, nous ne cherchons pas la fédération. Nous avons souvent du mal à travailler les uns avec les autres, à réellement collaborer. Il faut donc créer l’opportunité. Avec l’artiste Bérengère Henin, nous nous sommes promis de travailler ensemble sur un projet par an. Cela tient depuis trois ans !
Je privilégie tout autant les échanges avec d’autres milieux, afin de ne pas m’enfermer dans une logique de pensée. Il est essentiel de se confronter aussi à des personnes qui ne vous comprennent pas ou n’attachent pas d’importance à "ma vie, mon œuvre".
De quelle façon votre
travail de réalisatrice influe-t-il sur vos dessins? D’ailleurs un tel passage
existe-t-il de l’un à l’autre ? Ou bien considérez-vous que ces deux
champs d’exploration doivent rester hermétiquement clos ?
D’un point de vue pratique,
mon travail sur le dessin ne pourrait exister sans le soutien matériel que me
procure mon métier de réalisatrice : ce dernier me fait vivre
financièrement et me laisse l’esprit tranquille pour dessiner.
Mais ces activités s’influencent
mutuellement. Dessiner laisse une place à la réflexion, permet à l’esprit de
vagabonder vers de nouvelles idées.
De plus, de même que la
réalisation, le dessin est lié à la perception de ce qui nous entoure. Il nous
apprend à voir. Or j’ai besoin d’affûter mon regard en permanence afin de
continuer à produire avec sincérité.
Albert, application pour
i-Pad/i-Phone, papier
découpé, 2010.
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Monstres, extrait de la série,
2008.
Feutre fin noir sur papier,
10 x 10 cm.
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Quelles sont vos sources
d'inspiration?
De ce qui m’entoure, de
choses que j’ai pu ressentir ou observer. Paris se révèle une source intarissable pour qui sait
regarder ! Ma mémoire emmagasine des
instants de vie, puis j’attends qu’arrive le bon moment ou juste une
opportunité pour les raconter.
J’ai une prédilection pour
le thème de l’amour et pour les relations humaines en général.
Votre travail est
traversé par la question de l’identité, la difficulté des rapports homme/femme.
La source autobiographique est récurrente et vous n’hésitez pas à vous mettre
en scène dans vos films. Envisagez-vous de continuer dans cette veine ?
Jusqu’à présent, la part
autobiographique était apparemment récurrente. Il me semblait plus juste de
parler de ce que je connaissais. D’apprendre à raconter mes histoires avant de
raconter celles des autres. C’était plus pratique aussi : j’avais la
matière sous les yeux ! De plus, comme je mets beaucoup de dérision dans
mes films, il me semblait plus élégant de me moquer de moi-même plutôt que des
autres ! Mais l’enjeu principal consistait à dénouer l’intime de
l’universel, à toucher un public et surtout, à travers mon cheminement
personnel, à questionner le regardeur.
Mes prochains projets
s’éloigneront de mon vécu, non par volonté, mais de manière naturelle.
Jusqu’ici j’ai utilisé ma vie personnelle comme terrain de jeux, comme lieu
d’apprentissage. Cette étape m’a permis d’acquérir un langage cinématographique
et pictural personnel.
À présent, je pense disposer
des outils nécessaires pour parler de sujets plus éloignés de moi.
Deyrouth (extrait), 17 min,
2010.
Produit par les Films Sauvages,
avec le soutien du CNC et de
France 2.
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Comment naît l’envie de
réaliser un film ou une série de dessins lorsqu’il ne s’agit pas d’œuvres de
commande ?
L’envie vient souvent d’une
histoire que l’on désire raconter ou bien de questions que l’on se pose et qui
trouveront peut-être des réponses à travers la conception d’un projet.
Vous êtes
professionnellement active depuis sept ans. Votre vision de l’art a-t-elle
changé entre-temps?
Quand on commence à gagner
sa vie grâce à son art, l’aspect pratique prend parfois le pas sur le côté
passionnel. Comme dans tous les métiers, il arrive que l’on perde courage. On
voudrait tout plaquer, choisir un métier dans lequel on se fait guider.
Je dois apprendre à tisser
une relation avec mon travail et à gérer ma liberté au quotidien.
Il faut cultiver le désir de
travailler. Toute la difficulté est de continuer à y croire. Parce que personne
ne le fera à ma place !
Et votre regard sur
le monde dans lequel vous
vivez ?
La vie est une longue
farce tranquille, comme dirait
Robert Mazlo.
Vous semblez cultiver un
goût pour les créatures de l’entre-deux, la description de situations bancales,
voire d’échec, ou pour ce qui reflète une certaine « anormalité ». Pensez-vous que notre époque se
révèle au travers de ces exceptions à la règle.
Comme toutes les époques, la
nôtre cherche à imposer son modèle de perfection. L’être humain éprouve le
besoin d’être guidé, qu’on lui dise ce qui est beau et bon pour lui. La
religion et la politique répondent à ce besoin.
Les défauts, les fragilités
et la sensibilité des êtres humains sont rarement mis en valeur. Dessiner un
visage lisse ou selon les « règles de représentation » académiques ne
m’intéresse pas. Je tiens à laisser une trace d’humanité dans le résultat de
mon travail. Je veux lui donner une chance supplémentaire de toucher le
spectateur. Cette dimension aléatoire et imprécise le rapproche des œuvres au
lieu d’installer une distance.
Dans mes courts-métrages, je
me montre toujours à la recherche de réponses. Mais parfois, elles n’arrivent
pas.
Je cherche à démontrer
qu’échouer n’est pas un échec. La vraie liberté c’est de prendre le risque de
se tromper.
Monstres, extrait de la série,
2008.
Feutre fin noir sur papier,
10 x 10 cm.
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Ces dernières années,
vous vous êtes plus particulièrement investie dans la réalisation. Quelle place
le dessin tient-il dans votre activité ?
Le dessin autorise une
spontanéité qui me manque à présent dans la réalisation. Réaliser un film
demande du temps, de l’argent, la gestion d’une équipe. Dessiner est plus
immédiat, accessible, léger. Le résultat est plus vite atteint.
Pourquoi avoir choisi de
participer à l’exposition Le Divin (é)Moi et d’explorer cette
thématique au travers du dessin?
Cette exposition me
permettait d’avoir un but pour dessiner et d’exposer mes dessins. Peut-être
ai-je eu aussi envie d’officialiser ma relation avec cet art !
Le dessin se rapproche de ma
conception du Divin en raison de sa dimension spirituelle. Il admet une sorte
de lâcher prise et révèle une part de notre inconscient. La notion de temps
disparaît pour laisser place à une sensation de sérénité.
On se sent en communion avec
quelque chose d’autre… C’est une
sorte de méditation, de recueillement.
Pour cette série de dessins,
j’ai utilisé un feutre noir fin qui ne donne aucun droit à l’erreur : on
ne peut pas l’effacer. Cela me force à être totalement impliquée dans ma tâche.
J’ai décidé de dessiner à
partir de photos, comme si je voulais explorer ces clichés avec un nouveau
regard. J’ai pris ma famille comme modèle, tout en souhaitant que chacun puisse
y trouver des points communs avec la sienne. Par exemple, au travers des codes
de prises de vue ou des sourires un peu forcés.
Je me suis rattachée à ces images comme à quelque chose de mystique.
Je me suis rattachée à ces images comme à quelque chose de mystique.
On sait tous que la famille
parfaite n’existe pas et pourtant on veut tous y croire.
Les photos tentent de fixer
cet idéal. Mais en grandissant, on se rend compte que ces moments n’étaient pas
aussi « édulcorés » qu’ils le paraissent.
Ce décalage entre la réalité
vécue et l’image qui la fige est encore plus présent dans une famille d’émigrés
comme la mienne : les seules images qui subsistent de notre ascendance
sont des photos jaunies que l’on nous présente comme des icônes.
La famille est le rêve d’un
groupe, d’une unité, une source de réconfort.
Et malgré tous les massacres
dont elle est le théâtre, on continue à croire en elle.
Histoires de famille, extrait de
la série, 2014.
Feutre et encre de Chine sur
papier, 30 x 40 cm.
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Récemment, quel artiste
ou quelle exposition vous a touchée ?
J’ai eu la chance d’assister
à une représentation de La Pietra Del Paragone au Théâtre du Châtelet, dont la scénographie est
entièrement conçue par Pierrick Sorin et composée d’incrustations visuelles et
de maquettes. Tout un système ingénieux qui donne une autre lecture de l’Opéra,
plus accessible. En plus d’être réussi visuellement, c’est fin et intelligent.
Avec quel bijou de
l’exposition vous sentez-vous le plus d’affinités ?
Celui que je porte!
Une bague Mazlo réalisée
pour mes 30 ans…
CONTACT :
CHLOÉ MAZLO
hello@chloemazlo.com
www.chloemazlo.com